Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
 LAUREBARACHIN.OVER-BLOG.COM

Laure Barachin est l'autrice de plusieurs romans dont "Les Enfants du mal", "Un été en terre catalane", "Le Chemin des Étoiles", "Le Rêve d'une vie meilleure" et "La jeune fille qui lisait dans les pensées".

Pierre Rouanet Nous allions être bien à Karlovy Vary

 Avez-vous déjà entendu parler de la Maison des enfants de Moissac durant la Seconde Guerre mondiale ? Avez-vous déjà entendu parler de Shatta et Bouli Simon ?

Pendant la Seconde Guerre mondiale, à Moissac, Shatta et Bouli Simon, un couple d’éclaireurs israélites de France, ont dirigé La Maison des enfants au 18 quai du port. Ils ont hébergé, caché et sauvé de la déportation vers les camps de transit, de concentration et d’extermination de nombreux enfants juifs.

 Ils ont bénéficié de l’aide d’une partie de la population locale et de certains responsables politiques, en particulier les deux maires Roger Delthil et Louis Moles, ainsi que des artisans de la ville qui employaient en apprentissage les adolescents de la maison.

L'association Ville de Justes, oubliée https://moissac-ville-de-justes-oubliee.org/œuvre à garder la mémoire de la maison des enfants juifs de Moissac. En 2013, un premier colloque avait réuni plusieurs centaines de personnes.

Dix habitants de Moissac sont honorés comme Justes parmi les Nations : Manuel Darrac, Henriette Ducom, Jean Gainard, Alice Pelous, Alida Bourel, Henri Bourel, Pierre Bourel, Renée Bourel, Albini Ginisty et Ernestine Ginisty.

En 1991, Pierre Rouanet dans Nous allions être bien à Karlovy Vary est un des premiers à rendre hommage à Shatta et Bouli Simon, ainsi qu’à cette entreprise de résistance. Il évoque aussi le rôle de l’État français dans la déportation des réfugiés juifs, à travers l’histoire de la famille Sperber. 

Marianne Sperber est une petite fille juive née en Allemagne en 1930, à Berlin. Fille d’immigrés polonais, elle est obligée de fuir vers la Tchécoslovaquie, en 1938, avec sa famille, ses parents, son frère et sa sœur. Ils fuient les persécutions nazies. Mais l’Allemagne ne tarde pas à envahir une partie de la Tchécoslovaquie, obligeant une nouvelle fois la famille Sperber à partir se réfugier en Belgique.

En 1940, les Allemands pénètrent en Belgique, et Marianne et sa famille se retrouvent à nouveau dans un train, cette fois-ci en direction de la France. À Gardelles, ils ont le statut de réfugiés, on les parque dans un camp à Miégean. M. Sperber est séparé de sa femme et de ses enfants. À cause des privations, les plus jeunes enfants Hannah et Eliezer tombent malades. Leur périple les mènera jusqu’à Vallurgues où se trouve une maison réservée aux réfugiés. Certains d’entre eux seront envoyés au camp des Milles, antichambre de la déportation vers les camps de concentration et d’extermination nazis.

Ce livre m’avait été offert dans les années quatre-vingt-dix, peut-être 1995, je l’avais gagné au concours national de la résistance et de la déportation. En faisant un peu de ménage dans ma bibliothèque, je l’ai retrouvé et j’ai eu envie de le relire, de donner envie à d’autres lecteurs de le découvrir. Peut-être était-ce, entre autres, pour cela qu’il nous avait été offert.

Adolescente, c’était surtout le personnage de Marianne qui m’avait marquée, son courage : dans tous leurs voyages, elle sert d’interprète à ses parents, elle est toujours présente pour soutenir, aider son père, Nathan Sperber. Je me souvenais de l’émotion que j’avais ressentie en lisant la dernière lettre que ce père adresse à sa fille le 27 août 1942. Puis il y a Moissac, Shatta et Bouli qui accueillent ces enfants seuls et livrés à eux-mêmes, l’amour de la musique, Pablo Casals, le grand musicien catalan mais comment continuer à interpréter la musique alors que les plus grands compositeurs étaient allemands, le peuple qui a privé Marianne de ses parents ?

Ce roman historique est poignant, tragique. Pierre Rouanet était né en 1921, il a été combattant volontaire de la France Libre de 1943 à 1945. Son écriture lyrique m’a plu, il rend un bel hommage à tous ceux qui ont tenté de refuser la barbarie, la bassesse de la persécution et de la délation, tout en évoquant aussi ces comportements et tous ces camps de réfugiés, antichambres de la déportation, qui existaient en France, comme le camp des Milles. Je connaissais peu ce sujet et je crois qu’il reste encore à ce jour peu connu.

J’ai eu l’impression que Pierre Rouanet avait probablement eu l’occasion de rencontrer Shatta car c’est un très beau portrait qu’il effectue de cette dame, j’ai ressenti toute l’admiration qu’il avait pour elle. En lisant la biographie de Pierre Rouanet, j’ai vu que son père avait été à la Libération préfet de Tarn-et-Garonne. Le personnage du préfet, dans le roman, M. Bru, me semble avoir été inspiré par ce papa, qui a consacré sa vie à servir le bien public et qui voulait rétablir l’honneur de la République, perdu momentanément à cause du gouvernement de Vichy, complice des nazis.   

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article